Le redémarrage de l’activité économique est au cœur des inquiétudes. Mais « se retrousser encore les manches » ne suffira pas. Plus que la puissance de la force de travail, l’enjeu est l’intelligence de sa mise en œuvre pour assurer la performance. Les regards se portent donc vers tous ceux qui gèrent les Ressources Humaines dans l’entreprise, du patron de PME au service dédié, et la pression est forte. Femmes et hommes-orchestres, ils organisent aujourd’hui un quotidien partiellement déconfiné, tout en considérant dès à présent le travail de demain. Le défi est d’autant plus grand qu’il est difficile d’identifier clairement sous quels formes les enseignements de la crise sanitaire vont durablement imprégner le fonctionnement des entreprises et des collaborateurs.
Une gestion RH complexifiée
Toutes les entreprises sont confrontées avec leurs collaborateurs aux mêmes problématiques d’après confinement :
- Des collaborateurs en attente : il n’est plus recevable pour les salariés d’avancer à vue comme ils ont dû le faire, mis au pied du mur par la soudaineté du confinement. Leur bonne volonté a été mise à rude épreuve et ils éprouvent le besoin de se raccrocher à du solide. Ils ont besoin d’un cap, d’un cadre, d’un lien. Ils attendent de la transparence et des actions concrètes qui peuvent s’inscrire dans le temps. Ils veulent être rassurés et accompagnés ;
- Des collaborateurs fatigués : le choc du confinement, l’extrême surcharge de travail pour les premières lignes, l’inquiétude et même la peur pour tous, de nouvelles organisations ou méthodes de travail, l’absence de soupape sociale voire un sentiment d’isolement, sont autant de facteurs qui ont été de très sévères consommateurs d’énergie. L’effort supplémentaire nécessaire à la reprise peut être douloureux ;
- Des schémas bousculés : la brutalité des circonstances a amené beaucoup de personnes à se poser la question quant à sa place dans l’entreprise, à son utilité pour la société, au sens à donner à son travail et même à son existence. Ainsi, on entend parler de-ci de-là de ces parisiens qui rêvent de province ou de grand air, de ces salariés qui veulent donner plus de « sens » à leur travail, de ces prises de conscience de la futilité de certaines valeurs… bref, on peut imaginer que des collaborateurs vont chercher à bouger pour trouver leur ailleurs en laissant peu de prise aux entreprises pour les retenir.
Dans le même temps, Il est aussi impératif de penser à l’avenir, c’est-à-dire au moment où la vie de l’entreprise reprendra un cours normal. Ce que tout le monde vit depuis ces derniers mois semble en effet induire des évolutions dans les attendus et donc dans les modes de travail. Va-t-il falloir innover, s’adapter, ou revenir à une situation initiale confortable et sécurisante ? Difficile d’arbitrer immédiatement mais le sujet doit être abordé. Car cette crise sanitaire nous a appris une chose : nous avons certes les ressources pour nous adapter à toutes les situations, mais sans une bonne préparation, difficile d’éviter les douleurs et les soubresauts de la performance.
Pour leur survie, les entreprises ont l’œil figé sur tous les voyants de l’activité. Mais pour passer la crise, le sujet des collaborateurs est un incontournable, y compris sur des axes de réflexion RH pas toujours maîtrisés en interne.
La route qui mène au soleil
L’entre-deux actuel, qui n’est plus du confinement sans être un retour à la normale, s’installe probablement dans la durée et sans visibilité quant à sa date de fin. Cela oblige les entreprises à avoir deux axes de travail RH en parallèle :
- Comment maintenir l’efficacité aujourd’hui ?
- Comment définir les modèles de fonctionnement de demain ?
S’attarder sur aujourd’hui
Cette reprise d’activité en mode dégradé est un moment stratégique dans la gestion des Ressources Humaines. L’aspect sanitaire ne doit pas occulter l’accompagnement spécifique correspondant à cette période transitoire. Quels que soient les défis à venir, rien ne se construira avec des équipes exsangues ou qui ne se sentent pas reconnues dans leurs vécus. Les conditions de travail actuelles doivent donc être l’objet d’attention pour réparer les traumatismes et remettre tout le monde dans une bonne dynamique. Même si l’avenir annonce des changements, la promesse de lendemains qui chantent ne suffit pas. Il est important de mener dès à présent des actions de Qualité de Vie au Travail concrètes et adaptées à chaque situation :
- Pour éliminer les maux du télétravail ;
- Pour amortir la rudesse des interdits liés aux respects de règles sanitaires strictes sur les sites d’entreprises ;
- Pour faciliter l’appropriation des nouvelles organisations du travail et éviter ainsi que travailler demande plus d’efforts qu’auparavant ;
- Pour éviter un « trou d’air » aux acteurs de premières lignes, soignants, caissiers, éboueurs, et tous ceux qui sont restés en activité, et qui ne bénéficient plus de la solidarité démonstrative que furent les applaudissements ou les dons en tous genres.
La communication interne qui accompagne cette période doit aussi éviter certains écueils. En effet, la responsabilité des entreprises dans la sécurité sanitaire des personnes est bien naturellement une préoccupation majeure. Mais la diffusion des messages sur le sujet est aussi un point délicat. Attention à la surenchère d’informations ou à l’usage d’une charte trop administrative qui peuvent générer plus de stress que de réassurance. L’état d’esprit de la communication vers les équipes doit donc être surtout orienté sur la volonté de préserver la santé des personnes plus que sur la protection de l’entreprise d’éventuelles poursuites.
Préparer demain
La construction du travail d’après la crise sanitaire se doit de reposer sur le dialogue et la collaboration entre tous. D’une part, parce que l’implication est facteur clé de succès, et d’autre part, parce que chacun a tiré des enseignements très concrets de la situation. Il y a là un potentiel de bonnes idées et de bonnes pratiques à exploiter, aussi bien d’un point de vue organisationnel que sous l’angle de la Qualité de Vie au Travail.
Pour autant, les entreprises ne disposent pas toutes de la possibilité de mobiliser les équipes et de traiter l’information recueillie. Il devient alors nécessaire d’aller chercher des moyens de collectes et de conseils adaptés pour pallier cette situation. Faire l’impasse sur cette étape, serait prendre le risque de s’engager sur des idées trop généralistes : le télétravail massif est bien pour tout le monde, le flex-office doit être généralisé, finalement on arrive à tourner avec moins de personnes…
Tout cela se croise avec la stratégie de l’entreprise et une vision prospective des Ressources Humaines :
- Les entreprises doivent se montrer flexibles face à toutes situations, et donc l’organisation du travail et les collaborateurs aussi ;
- Le règne des grands accords d’entreprise a peut-être fait long feu au profit d’une approche plus individualisée des modes de travail, très évoquée ces dernières semaines. A mettre en perspective des impacts en termes d’égalité entre les salariés, de gestion de l’activité, des contrats de travail et du management ;
- Il y a probablement un niveau de télétravail au-delà duquel le sentiment d’appartenance et la fidélisation des collaborateurs devient plus difficile à contenir. Voire, il y a un niveau au-delà duquel il devient ardu de distinguer le collaborateur qui travaille chez lui, des missions externalisées ;
- …
Conclusion :
L’organisation de la gestion des Ressources Humaines n’est pas identique pour toutes les entreprises pour des raisons de taille, d’organisation, de besoins ou de culture. Pourtant, les enjeux de performance et de Qualité de Vie au Travail sont les mêmes. De ce qui se pense et se construit aujourd’hui, va dépendre la pérennité de nombre de structures. Si le temps, le recul ou les compétences en interne manquent, il faut aller chercher les expertises à l’extérieur, auprès de spécialistes. C’est le moyen de donner corps à ses ambitions.